Les « quartiers sensibles » : combien de divisions ?

Le poids électoral des « zones urbaines sensibles »

Jeudi dernier se tenait au Sénat un colloque organisé par l’Institut Montaigne et l’association « Ville et banlieue » sur la place des banlieues dans la République (titre – approximatif – du rapport écrit par l’équipe de Gilles Kepel pour Montaigne). Maires de gauche et de droite se sont succédés à la tribune pour déplorer que les banlieues ne soient pas plus présentes, ni dans le projet du PS ni dans celui – invisible à ce stade – de l’UMP. Et tandis que s’achève l’Acte I de la rénovation urbaine mise en œuvre par Jean-Louis Borloo, beaucoup d’élus de villes situées en banlieue réclament un deuxième Acte, à hauteur de quelques dizaines de milliards, pour poursuivre le programme de destruction d’immeubles insalubres et de construction de logements sociaux.

Cette invisibilité de la banlieue et en particulier de ce que l’on appelle les « quartiers sensibles »  – par référence aux 751 zones urbaines sensibles que cible en priorité la politique de la ville – dans la campagne pose la question de leur poids électoral et des préférences partisanes des électeurs qui y résident.

Le poids électoral, d’abord. Aujourd’hui, le « vote ZUS » est difficile à évaluer. Selon l’INSEE, les ZUS comptent près de 4,5 millions d’habitants, ce qui représente à peu près 7% de la population nationale. En volume, ce n’est pas négligeable. Mais sur ces 4,5 millions d’habitants, combien d’électeurs ? Par manque d’études statistiques suffisamment affinées, on ne le sait pas vraiment. Hasardons nous à un petit calcul : si l’on considère que dans ces ZUS 1 habitant sur 3 a moins de 20 ans, cela nous donne un électorat d’environ 3 millions de personnes en âge de voter. Problème : sur ces 3 millions, il y a une forte proportion d’étrangers qu’il faut donc soustraire. On estime que les étrangers représentent à peu près 18% du total des habitants de ZUS, soit 540 000 personnes qu’il faut à nouveau déduire. A la louche, les ZUS engloberaient donc 2,5 millions d’électeurs potentiels. Sur 45 millions d’électeurs au total, le vote ZUS pèserait donc environ 6% des voix. Mais nouveau problème : tout cela est théorique ! Car en pratique, pour voter, il faut être inscrit sur une liste électorale. Hélas, dans les ZUS, les inscrits seraient d’après plusieurs études 25% de moins… Nous verrons en 2012 mais si les campagnes en faveur de l’inscription sur les listes électorales ne produisent pas les résultats escomptés, cela pourrait substantiellement réduire cet électorat et le ramener au-dessous de 2 millions. Autre problème, fondamental : celui de l’abstention. Car les électeurs vivant en ZUS se caractérisent par des taux d’abstention très au-dessus de la moyenne nationale à toutes les élections. L’élection présidentielle ne fait pas exception. : En 2007 par exemple, en dépit des fortes campagnes de mobilisation, l’abstention s’est située autour de 20% aux deux tours (contre 36 et 26% respectivement aux 1er et 2nd tour en 2002).

Mettons de côté l’abstention et concentrons-nous sur ces 2,5 millions d’électeurs théoriques qui forment le bataillon électoral des ZUS, soit 6% du corps électoral national. Pour qui votent-ils ?

La réponse est claire : cette partie-là des « catégories populaires » vote massivement pour la gauche. En 2007, Ségolène Royal y a réalisé quelques-uns de ses meilleurs scores et, en moyenne, plus de 42% au 1er tour contre 29% pour le reste de la France. Au second tour, les ZUS ont voté à 62% pour elle contre 47% pour le reste de la France. Si l’on additionne les votes exprimés en faveur de la gauche et de l’extrême gauche au 1er tour des scrutins de 2002 et de 2007, on observe une stabilité remarquable de l’électorat : 56% en 2002 (contre 43% pour le reste de la France) et 51% en 2007 (contre 36% pour le reste de la France). Contrairement à une idée reçue, le vote du Front national dans ces « quartiers sensibles » est – lui aussi – très stable et se maintient à un niveau relativement bas : 10% environ en 2002 et en 2007 (sources : voir cette étude). Quant à la droite républicaine, elle est passée de 38% au second tour de la présidentielle de 2002 à 51% en 2007 pour Nicolas Sarkozy, signe de l’indiscutable succès de son discours– à l’époque – très volontariste sur le terrain de la discrimination positive et de la défense des minorités.

Car – et c’est l’une des leçons de 2007 – les électeurs issus de l’immigration  constituent la clé de ce « vote ZUS » : surreprésentés dans ces quartiers, ils sont plutôt a priori enclins à accorder leur scrutin à la gauche, par sympathie historique, mais ils n’hésitent pas à voter pour un candidat de droite si celui-ci est perçu comme étant plus favorable à leurs préoccupations.

Or pour conserver cet électorat qui est désormais loin d’être acquis, François Hollande DOIT parler à ces électeurs. Mais encore faut-il juger que c’est tactiquement opportun…

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