Texte publié sur Médiapart et sur Chouf-chouf.com
Le classement, pour la première fois, d’un lycée musulman au premier rang des lycées de France est quelque chose dont, quelques soient les réserves que nous ayons sur la valeur de ces classements et la manière dont ils sont élaborés, nous pouvons nous réjouir. Pour au moins deux raisons.
D’abord parce qu’il n’est pas inutile, en ces temps d’islamophobie rampante, de mettre en lumière un phénomène positif lié à la religion musulmane. Il n’y a là rien de très surprenant, mais il n’est pas inutile de faire savoir à l’opinion publique que les musulmans, placés dans de bonnes conditions d’éducation, réussissent aussi bien, sinon mieux, que les autres. Les trajectoires à la Merah, qui n’ont du reste strictement rien à voir avec l’Islam, entachent tout autant la communauté musulmane de France que la communauté nationale dans son ensemble. Merah et ses ignobles acolytes ne sont aucunement représentatifs ou illustratifs de la religion musulmane.
Ensuite parce qu’il y a une valeur de l’exemplarité, et que montrer qu’un lycée privé musulman peut se hisser, en quelques années, au sommet de l’échelle de l’enseignement secondaire en France peut susciter des émules et créer au sein même de la communauté musulmane des incitations à étudier. Cela montre, cette fois aux musulmans de France eux-mêmes et s’il en était besoin, que leur religion n’est pas par essence un obstacle à la réussite, que des voies existent pour réussir.
Mais c’est précisément pour cette raison que je n’arrive pas, au-delà de l’aspect symbolique, à être satisfait de ce résultat. Mon attachement à l’école publique est indéfectible. Il est d’abord lié à deux éléments : le fait que cette école est gratuite pour tous, l’idée ensuite que c’est par le mélange, la mixité sociale, intellectuelle et culturelle que l’on réussit. Mon attachement à l’école publique n’est pas lié à la conception, souvent étriquée, qui a présidé à la mise en œuvre du principe de laïcité dans l’enseignement ces dernières années, mais d’abord et avant tout à cette croyance, que je ne crois pas encore totalement vaine, que l’école de la République peut toujours être un ascenseur social.
Le lycée Averroès est un lycée musulman, mais c’est avant tout un lycée privé. Cela est parfaitement respectable et dans notre pays, non sans de furieuses batailles au cours du siècle passé, « l’école libre » a non seulement le droit de cité, mais les parents sont libres de choisir l’établissement qu’ils souhaitent pour leurs enfants. Ce principe ne doit pas être remis en cause.
Pour autant, un lycée privé est un lycée payant, dont les études sont soumises à l’acquittement de droits de scolarité. Cela se justifie par le fait qu’ils ne sont pas financés par l’Etat et qu’ils doivent donc trouver des ressources propres, mais cela signifie aussi que n’importe qui ne peut pas inscrire ses enfants dans un tel établissement. Je sais que le lycée Averroès a une forte proportion d’élèves boursiers (60%) et, en réalité, il ne s’agit pas tant du lycée Averroès que de l’ensemble des lycées privés. Le fait est que l’école publique doit accueillir tous les élèves, sans condition de ressources, tandis que les établissements privés, parce qu’ils doivent se financer, sont contraints de faire des choix, et si certains d’entre eux acceptent de nombreux élèves boursiers, ce n’est pas le cas de tous.
Je ne me place pas sur le terrain des convictions religieuses, de la place de la religion dans l’enseignement ou encore sur celui de la laïcité pour regretter que ce soit un lycée privé qui ait été classé meilleur lycée de France. Encore moins sur le fait, naturellement, qu’il s’agisse d’un lycée musulman. Cela m’est complètement égal et s’il s’était agi d’un lycée privé catholique ou juif, j’aurais réagi de la même manière. Mon terrain, c’est celui de l’égalité des chances, que je sais bien théorique, voire irénique. Mon combat, c’est faire en sorte de chaque élève de ce pays, quelque soit sa religion et son niveau de revenus, ait accès à la réussite, puisse réussir. Et cette mission-là, historiquement, incombe à l’enseignement public, gratuit, pour les musulmans comme pour tous les autres.
Ce qu’illustre le beau résultat du lycée Averroès, ce n’est pas tant la réussite des musulmans que l’échec, hélas, de notre système d’enseignement public. Et ce n’est pas une bonne nouvelle.
super article, je suis en tous points d’accord avec vous : c’est l’école publique qui est en cause.
un lycée musulman est le premier de la frace et il faudrai se plaindre ?
je comprend votre point de vu mais je peu me rejouir d etre dans un lycee prive catholique alors je comprend que les musulmans se rejoussent pour averroes.